« Malheur à moi : je dois vivre en exil ! » (Ps 120,5) « Malheureux homme que je suis ! Qui donc me délivrera de ce corps qui m’entraîne à la mort ? » (Rm 7,24)… Ces cris du psalmiste et de saint Paul, ne les avons-nous pas jetés nous-mêmes, parfois ? Nous désirons tous être heureux, mais le bonheur est-il possible ici-bas, en terre d’exil ? Non seulement il l’est, mais c’est aussi le désir de Dieu pour nous. Le mot revient sans cesse dans la Bible, aussi bien dans l’Ancien Testament – « Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants» (Ps 1,1) – que dans le Nouveau : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! » (Lc 10,23), « Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » (Lc 11,28) Mais c’est surtout avec le début du sermon sur la montagne que le chemin du bonheur est tracé pour nous de la façon la plus claire. Claire, et pourtant paradoxale, car qui aurait naturellement envie d’emprunter un chemin que Nietzche a qualifié de morale d’esclave ? Oui, le chemin du bonheur que le Christ nous propose exige une véritable conversion, car il nous appelle à tourner notre regard vers Celui qui nous attend dans son Royaume afin de ne pas nous laisser effrayer et arrêter par les multiples obstacles que nous rencontrons pendant notre marche. Comme l’a dit la Vierge Marie à sainte Bernadette : « Je ne vous promets pas le bonheur de ce monde mais de l’autre monde ». En quoi consiste ce bonheur ?
Heureux les pauvres de cœur car ils attendent tout du Seigneur.
Heureux ceux qui pleurent car ils se laissent toucher par la souffrance de leurs frères.
Heureux les doux car ils sont assez forts pour réprimer en eux toute violence.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice car ils sont portés par leur désir d’un monde meilleur.
Heureux les miséricordieux car ils goûtent la joie de donner et de pardonner.
Heureux les cœurs purs car ils trouvent Dieu en toute circonstance.
Heureux les artisans de paix car ils aident leurs frères à sortir des prisons de la haine.
Heureux les persécutés pour la justice car ils ont compris qu’à un moment donné, l’affrontement du juste avec le mal est inévitable.
Heureux les persécutés pour le Christ car ils prouvent qu’ils l’aiment vraiment. (
Si nous entendons cet évangile chaque année le jour de la Toussaint, c’est parce que les saints sont les plus heureux des hommes. Alors, nous-mêmes, marchons à leur suite sur le chemin des béatitudes, et partageons le bonheur de Dieu : « Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! » (Ap 19,9)
Heureux?