Chers Amis,
Le jour de Pâques nous avons déjà médité l’Évangile des disciples d’Emmaüs. Ce dimanche, nous reprenons le même texte pour voir comment nourrir davantage notre vie de l’Eucharistie, même au-delà des murs de l’église.
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Emmaüs – la Messe « déconfinée »
Ce beau texte de l’Évangile nous met en route vers Emmaüs. Selon différentes traditions, les localisations de ce village divergent. Ce manque de précision me semble providentiel. Il nous invite à identifier notre « Emmaüs », notre lieu de vie où nos yeux de foi s’ouvrent pour reconnaître Jésus ressuscité présent et marchant à nos côtés.
« Jésus s’approcha, et il marchait avec eux. Ils s’arrêtèrent, tout tristes. » (Lc 24,15.17)
L’épreuve actuelle me fait prendre conscience que nos célébrations en temps « normal » sont trop confinées. Notre vie eucharistique semble se limiter aux murs de l’église. La crise que nous traversons, éclairée par l’histoire des pèlerins d’Emmaüs, nous offre l’opportunité de « déconfiner » nos Eucharisties. Il s’agit de découvrir comment l’Eucharistie peut nourrir notre vie
de tous les jours. Regardons l’histoire d’Emmaüs comme une « Messe en chemin ».
Le temps de l’ACCUEIL
La première partie de l’Évangile (v.13 à 18) correspond au temps de l’Accueil à la Messe. Comme deux disciples, nous portons le poids de notre vie : notre souci du moment, notre souffrance, nos doutes, nos découragements, nos inquiétudes… Bref, tout ce qui attend un salut. Quand nous faisons, d’une façon ou d’une autre, l’acte pénitentiel, nous exprimons ce besoin du salut : « Seigneur, sauve-moi ! » Le début de chaque Messe nous rappelle que Jésus nous rejoint là où nous sommes : « Le Seigneur est avec vous ». Jésus, respectant notre liberté, se fait accueillir. Il reste à l’écoute en nous laissant exprimer tout ce qui nous pèse. Il fait bien plus : il se laisse déplacer même si nous nous éloignons de la source.
Nous commençons à vivre de l’Eucharistie dans notre vie chaque fois quand nous nous mettons en présence du Seigneur en toute sincérité, quand nous l’accueillons au cœur de notre désarroi et nous nous laissons accompagner.
Le temps de la PAROLE
Il vient le temps de la Parole qui occupe la place centrale dans l’histoire des pèlerins d’Emmaüs. C’est un dialogue entre Jésus et ses deux disciples. Le résumé de ce dialogue se trouve dans les versets 19 à 27. La liturgie de la Parole de la Messe n’est pas un simple enseignement. C’est un dialogue où nous écoutons la Parole de Dieu et nous répondons à la Parole entendu : par la prière du Psaume, par la prière personnelle en silence, par la profession de foi, par les intentions de prière inspirées par la Parole.
Comme sur le chemin d’Emmaüs, dans ce dialogue il y a beaucoup de questions et de l’étonnement. Mais tout est vrai dans ce dialogue. Les interrogations viennent de la vie, et la lumière – de la Parole de Dieu.
Nous menons une vie eucharistique quand notre vie concrète entre en dialogue avec la Parole de Dieu. Jésus, lui-même, nous aide à faire le lien entre notre et sa Parole : « Quels événements ? » Laissons-nous interpeller, laissons-nous éclairer
par la Parole de Dieu. « Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route. » (Ps 118,105) St Jérôme (347-420) disait : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ. » Si nous aimons le Christ, aimons sa Parole.
Le temps de l’EUCHARISTIE
Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent. (Lc 24,30-31)
Avec la liturgie eucharistique, nous arrivons au sommet de la célébration. Pour les disciples, le repas partagé à Emmaüs est aussi un moment crucial. C’est le tournant de leur histoire. Ce sont les gestes et les paroles de Jésus qui provoque ce tournant. Nous retrouvons les mêmes quatre gestes et quatre paroles dans chaque Eucharistie, à Emmaüs, à la dernière Cène mais aussi à la multiplication des pains. Ces gestes et paroles signent l’identité de Jésus. Ces gestes et paroles manifestent l’amour de Dieu pour
nous.
Jésus vit une grande foule de gens ; il fut saisi de compassion envers eux et guérit leurs malades. (Mt 14,14)
Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. (Jn 13,1)
Voilà les gestes et les paroles qui nous disent beaucoup de Jésus et de nous-mêmes :
- PRENDRE
- BÉNIR
- ROMPRE
- DONNER
Nous sommes comme du pain dans la main du Seigneur. Découvrons alors comment les paroles et les gestes de Jésus se réalisent dans notre vie. Cette prise de conscience fait de notre vie une vie eucharistique.
Être pris
À la base de notre vie d’enfants bien-aimés est l’affirmation que nous sommes « pris » ou « choisis » par Dieu, car nous avons du prix à ses yeux. Le fait d’être choisi, et de le savoir, nourrit en nous une attitude de reconnaissance et d’action de grâce. Lorsque nous croyons vraiment que nous avons du prix aux yeux de Dieu, nous sommes capables de reconnaître que les autres aussi ont du prix à ses yeux et qu’ils occupent une place dans son cœur.
Être Béni
Bénir : parler (dictio) bien (bene), dire du bien de quelqu’un.
Offrir une bénédiction à quelqu’un est la plus grande reconnaissance que nous puissions lui manifester. Il ne suffit pas d’être choisi. Nous avons également besoin d’une bénédiction nous permettant d’entendre, d’une manière toujours nouvelle, notre appartenance à un Dieu aimant qui ne nous laisse jamais seuls.
Par la bénédiction Dieu nous renouvelle toujours sa fidélité infaillible (2Tm 2,13 : « Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même. ») et l’assurance de sa présence auprès de nous dans chaque situation.
Être rompu (brisé)
Notre vie, comme celle de Jésus, n’est pas libre de la souffrance, de l’expérience de brisure. Être brisé, c’est accepter et vivre le mystère de la Croix du Christ en communion avec lui. Dans la foi au Christ, il nous est possible d’entrevoir un chemin de vie dans ce non-sens qu’est la souffrance. Il n’est pas possible de partager le pain sans qu’il soit rompu.
Être donné
Notre vie atteint sa plénitude dans le don. Et notre plus grande réalisation c’est de nous donner aux autres. Dans ce don de nous-mêmes nous trouvons la joie. Une vie heureuse est une vie pour les autres. Cette vérité, cependant, est habituellement découverte lorsque nous sommes placés devant notre brisure. Notre brisure nous ouvre à un moyen encore plus profond de partager nos vies et d’être pour l’autre porteur d’espérance.
Ces quatre paroles et gestes ont bien marqué la vie des disciples. Ils ont provoqué leur transformation, leur conversion. Vivre la communion avec le Christ, c’est remettre notre vie entre ses mains et le laisser accomplir ces quatre gestes, les gestes eucharistiques de consécration et de transformation.
Le temps de l’ENVOI
L’histoire des pèlerins d’Emmaüs ne s’arrête pas au moment où ils reconnaissent Jésus vivant. De même, notre célébration ne s’achève pas avec la communion. Le chemin de foi continue. L’Eucharistie en chemin continue.
Pendant le jour, tout était obscur. On pourrait le symboliser par l’air sombre des disciples (v.17).
Maintenant, la nuit, tout est lumière. On pourrait le symboliser par le cœur brûlant (v.32). Grâce à la compréhension des Écritures et grâce aux gestes de Jésus, les disciples retournent à Jérusalem pour partager leur joie de croire. Ils retournent là où se trouve la source de la foi. Chacune de nos Eucharisties nous met sur le chemin de la mission. C’est le temps de porter des fruits de la rencontre avec le Ressuscité.
La vie du chrétien est une vie eucharistique.
Bien fraternellement
Père Wojtek omi
Chemin de Pâques 3