Curieuse question. On ne voit guère les plantes pousser, du moins à l’œil nu : « La semence germe et grandit, il ne sait comment. » La germination est un domaine mystérieux : même si l’on s’attend à ce que quelque chose sorte de terre, on n’en maîtrise jamais le cours. Bien plus, il n’y a aucune commune mesure entre ce que l’on a semé et ce qu’on récolte.
L’agriculture est un métier à part : on n’y est pas l’acteur principal. Jeter la semence en terre, c’est un acte de foi dans la puissance de vie qui naît de la rencontre entre la graine et le sol. Entre le travail des semailles et celui de la moisson, il y a ce travail caché de la terre, cette fécondité donnée à la semence comme une grâce de surcroît. Un espace où l’activité humaine a peu d’importance, puisque tout se joue plus profondément qu’elle, comme à son insu.
Ainsi de l’Évangile semé en notre humanité : au-delà de tous nos efforts, il y a un travail divin dont nous n’avons ni la mesure ni la clé. Bien sûr, nos efforts sont louables – et même fort utiles – pour qu’ait lieu cette rencontre entre la Parole divine et le cœur humain. En cette période où sont donnés abondamment les sacrements de l’initiation chrétienne – baptêmes, premières communions et confirmations – nous insistons et avec raison sur la responsabilité des parents et l’engagement des jeunes.
Mais l’Évangile d’aujourd’hui nous invite à contempler l’autre versant, celui de la grâce, celui sans lequel tous nos efforts seraient vains ; à regarder avec bonheur le surgissement inattendu du Règne de Dieu dans la vie de nos communautés : un enfant qui prie avec ferveur lors d’une retraite, un adolescent qui découvre au Frat la joie d’être chrétien, un jeune qui s’engage au service de ses frères, un adulte qui redécouvre la foi de son enfance…
Parce qu’Il nous a aimés le premier, parce qu’Il est source et donateur de vie, parce que sa Parole agit avec puissance, nous pouvons mettre toute notre confiance en un Dieu qui ne s’effraie ni de nos infidélités, ni de nos reculades, ni de nos échecs, mais qui fait avancer secrètement son Règne avec une patience imperturbable : que nous nous en rendions compte ou non, ça pousse.
Père François Contamin
Alors, ça pousse ?