Madeleine Delbrêl, mystique et assistante sociale d’Ivry-sur-Seine, dira de sa conversion de 1924 : « je suis une éblouie de Dieu !».
Comme tous les convertis illuminés par le Christ, Madeleine a fait d’une certaine manière l’expérience du Thabor, haute montagne sur laquelle Jésus fut transfiguré en son temps.
Nous méditons ce dimanche sur cet événement vécu par certains apôtres. Or, comment comprendre cet instant privilégié et son incidence dans notre vie chrétienne ?
Tout d’abord, lorsque Jésus emmène Pierre, Jacques et Jean, ils ne se doutent pas de l’expérience intérieure qu’ils vont vivre. La Transfiguration se présente notamment pour Pierre comme un instant de bonheur, un moment qu’il voudrait éternel: « il est heureux que nous soyons ici, dit Pierre, dressons trois tentes…».
A ce bonheur malgré tout fugitif s’ajoute pour les apôtres une révélation sur Jésus. Pénétrant dans la nuée lumineuse une voix se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! ». Les
apôtres possèdent ainsi un soutien pour leur participation au mystère de la Croix qui s’annonce : Jésus est le Fils bien aimé, le Seigneur de gloire en qui habitent la divinité et la vie. C’est sans aucun doute pour cette raison qu’il faut
l’écouter.
En revanche, la Transfiguration de Jésus n’est pas un changement qui toucherait à la personne du Christ, mais bien une transfiguration des apôtres. En effet, comme le rappelle la grande tradition de l’Orient, cette transfiguration ne
concerne pas uniquement Jésus. Jean Damascène affirme que : « le Christ a été transfiguré non pas en assumant ce qu’il n’était pas, mais en manifestant à ses disciples ce qu’il était, ouvrant leurs yeux ». Autrement dit, par grâce, les apôtres vivent un changement intérieur et une conversion du regard. C’est pourquoi, Saint André de Crète ajoute :
« A cet instant, le Christ n’est pas devenu plus radieux ou plus exalté. Loin de là : il est resté ce qu’il était avant ».
C’est ainsi, qu’en découvrant le Seigneur Jésus dans sa réalité la plus profonde et en y adhérant de tout son cœur, le chrétien devient un « ébloui de Dieu». Il devient à son tour un chemin vivant vers Jésus vrai homme et vrai Dieu.
En ce temps de Carême, puissions-nous considérer la grâce baptismale qui a fait de nous ces transfigurés, certes cachés pour le monde, mais bien signifiants pour tous ceux qui cherchent la lumière de la Vérité.
Père Emmanuel Végnant
Eblouissement