« Jésus leur demanda : De quoi discutiez-vous en chemin ? Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir
qui était le plus grand. » (Mc 9,33-34)
Et nous, de quoi discutons-nous ? Qu’est-ce qui nous préoccupe ?
Cette parole ainsi que mes premières expériences de pasteur de la communauté de Sainte-Marguerite, m’inspirent aujourd’hui. Alors, j’ai décidé de vous révéler un peu le fond de mon cœur, de vous partager quelques convictions. Je vous demande d’être patients, bienveillants et de croire à ma sincérité.
« Frères et sœurs, quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le
mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse. Parmi vous, je n’ai rien
voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. Et c’est dans la faiblesse,
craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous. Mon langage, ma
proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut
convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi
repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. » (1Co 2,1-5)
Aujourd’hui, je me tiens devant vous et je fais miennes ces paroles de saint Paul.
Ce que je voudrais vous dire aujourd’hui, m’habite et me travaille dès mon arrivée parmi vous. Mon partage est un grain de sel que j’apporte comme contribution à la fête de notre communauté.
Pourquoi je le fais ? Parce que d’un côté je rencontre ici des personnes pleines de générosité et de bonne volonté, des personnes qui aiment sincèrement la communauté de Sainte-Marguerite et qui aime l’Église. De l’autre, je constate des blessures, des peurs, des rivalités et des blocages. Il y a des tensions et de pesants soupçons entre les paroisses de notre secteur pastoral. En tant que pasteur, je n’ai pas envie de fermer les yeux sur ce qui fait mal. Nous devons faire la lumière sur notre vie. Je crois que la vérité rend libre (cf. Jn 8,32). Nous avons à faire quelque chose ensemble. St Paul a comparé la communauté de l’Église au corps humain où chaque membre a sa fonction et chacun est important. (cf. 1Co 12,12-20) Si le corps est blessé, il faut le soigner et le guérir. Laissons-nous guérir par Jésus, comme il l’a fait pour tant de personnes sur les chemins de l’Évangile. Aujourd’hui, je vous propose un traitement. Il porte même un nom : la christothérapie.
Nous devons surtout nous répondre à quelques questions fondamentales :
- Qui sommes-nous ?
- Pourquoi nous sommes là ?
- Comment allons-nous vivre et fonctionner ensemble ?
Je sais que la dernière question vous paraît la plus difficile et elle semble préoccuper plusieurs d’entre vous.
Et pourtant, je crois que si nous nous laissons interpeller par deux premières questions, la réponse à la dernière deviendra beaucoup plus simple.
1. Qui sommes-nous ?
Nous sommes chrétiens, alors disciples de Jésus Christ. Comme pour tous les disciples, même les apôtres, il y a en nous beaucoup de bonne volonté et de générosité. Comme tous, nous avons notre manière de voir les choses, nos opinions, nos fragilités et aussi nos péchés. Rien de ça ne peut empêcher le Seigneur de nous aimer tels que nous sommes et de nous faire confiance.
Ce qui transformait la vie des disciples, au point de devenir témoins du Christ jusqu’au don de leur vie, c’est la prise de conscience de l’amour fou de Dieu pour chacun de ses enfants.
Dieu nous aime libres et il attend une réponse libre à son amour. Il nous aime tellement qu’il nous laisse nous égarer. Et lui, le bon berger, va toujours à la recherche de la brebis perdue.
La parabole selon Anthony de Mello, jésuite indien:
Une brebis a trouvé un trou dans la clôture de l’enclos. Elle s’est glissée à travers le trou. Elle s’est évadée tout heureuse. A force de se promener partout, elle s’est égarée. Du coup, elle a aperçu un loup à ses trousses. Elle a commencé à fuir mais le loup l’a suivie. À ce moment-là, le berger est arrivé et il l’a sauvée. Avec tendresse, il l’a ramenée au troupeau. Malgré les conseils de ses amis, le berger n’a pas voulu réparer le trou dans la clôture.
« Tout est permis, dit-on, mais je dis: Tout n’est pas bon. Tout est permis, mais tout n’est pas constructif. Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d’autrui. » (1Co 10,23-24)
2. Pourquoi nous sommes là ?
Pour nous aider les uns les autres à vivre selon l’Évangile et à accomplir notre mission dans la communauté chrétienne. Pour beaucoup de nos contemporains nous sommes la seule page d’Évangile qu’il vont « lire ». Est-ce qu’ils nous trouvent lisibles ? Est-ce que cette « lecture » éveille en eux la passion pour Jésus Christ et pour la vie chrétienne ?Les Actes des Apôtres nous présentent en quoi consiste la vie d’une communauté chrétienne, alors la vie de chaque paroisse.
« Ils étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. (…) Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun. (…) Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun. » (Ac 2,42.44-45 ; 4,34-35)
Selon cette description, la vie d’une communauté repose sur 3 piliers :
- La communauté de foi, née et nourrie par l’écoute et la mise en pratique de la Parole de Dieu (koïnonia)
- L’Eucharistie, les sacrements et la prière (leiturgia)
- Le service et le partage (diakonia)
Exemple du mariage traditionnel chez les Guidars : la marmite posée sur 3 cailloux :
Chez les Guidars au Nord-Cameroun existe un rituel intéressant du mariage traditionnel. La femme pose une marmite sur 3 cailloux, allume en-dessous le feu et prépare le premier repas pour son mari. S’il manque un seul caillou, la marmite se renverse et tout est perdu, tout est raté.
De même, si un de des piliers de la vie communautaire manque, nous sommes au moins malades et nous ne pouvons pas accomplir notre mission.
Exemple de Sarawel – Ganda (Cameroun)
En 1996, l’année du cinquantenaire de l’évangélisation du Nord-Cameroun, il m’est arrivé de vivre un moment de grâce. Dans une communauté chrétienne où j’étais présent très régulièrement, un groupe d’hommes vient me voir après la Messe dominicale. Ils disent : « Nous ne sommes pas d’ici. Notre village se trouve derrière la montagne que vous voyez. Jamais aucun missionnaire n’est venu chez nous. Dans le village il n’y a aucun baptisé, même
pas catéchumène. Mais nous voulons que tu viennes chez nous. » Je demande : « Pourquoi ? » « Tous les dimanches nous venons ici au marché. Nous voyons les chrétiens prier ensemble, s’entraider, partager etc. Nous voulons vivre comme eux. » Nous nous sommes donnés un rendez-vous. Quand je suis arrivé dans leur village avec une sœur infirmière, j’ai perdu la parole. Tout le village était rassemblé. Ils avaient déjà construit une chapelle. Je ne savais pas quoi dire. Le Seigneur y est arrivé avant moi. Et c’est grâce aux chrétiens d’un autre village.
Alors j’ai ouvert les Actes des Apôtres et j’ai lu le tout premier discours de St Pierre à ceux qui ne connaissaient pas encore Jésus Christ. C’est ainsi qu’une nouvelle communauté chrétienne était née.
Est-ce que notre vie en paroisse, dans le secteur pastoral, donne envie de vivre comme nous ? N’ayons pas peur d’interroger notre conscience !
« Maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine. » (Ep 2,13-14)
Je crois profondément qu’en mettant le Christ en Croix au cœur de notre vie, nous sommes capables d’abattre tous les murs de préjugés et d’animosité, y compris dans notre secteur. Cela demande forcément un effort de chacun. Le salut passe par la croix. Jésus a fait tomber les murs « par sa chair crucifiée ». Toute division est le signe de la présence du mauvais qui empoisonne notre vie : dans les familles, les communautés, l’Église.
Je confie ce souci à votre prière. C’est le genre de prière que Dieu exauce toujours car il est Amour !
3. Comment allons-nous vivre et fonctionner ensemble ?
« Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. Que votre amour soit sans hypocrisie. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. Soyez unis les uns aux autres par l’affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres. Ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière. Partagez avec les fidèles qui sont dans le besoin, pratiquez l’hospitalité avec empressement. Bénissez ceux qui vous persécutent ; souhaitez-leur du bien, et non pas du mal. Soyez joyeux avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. Soyez bien d’accord les uns avec les autres ; n’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne vous fiez pas à votre propre jugement. Ne rendez à personne le mal pour le mal, appliquez-vous à bien agir aux yeux de tous les hommes. Autant que possible, pour ce qui dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. » (Rm 12,2.9-10.12-18)
Cette exhortation de saint Paul s’appelle la conversion.
Aujourd’hui, nous sommes appelés à bouger, à changer notre façon de penser (metanoïa), à accepter la nouveauté dans l’esprit de l’Évangile.
« Jésus dit à ses disciples une parabole :
Personne ne déchire un morceau à un vêtement neuf pour le coudre sur un vieux vêtement. Autrement, on aura déchiré le neuf, et le morceau qui vient du neuf ne s’accordera pas avec le vieux. Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement, le vin nouveau fera éclater les outres, il se répandra et les outres seront perdues. Mais on doit mettre le vin nouveau dans des outres neuves. » (Lc 5,33-39)L’Évangile nous conduit toujours à une nouveauté, à une vie nouvelle. Ouvrons alors notre cœur à la Parole de Dieu.
« Si vous demeurez fidèles à ma parole – dit Jésus –, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » (Jn 8,31-32)
Il n’y a pas de vérité sans l’amour ; il n’y a pas d’amour sans la vérité. Le Psalmiste nous le rappelle d’une belle manière :
« Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. » (Ps 84,11)
Mes chers frères et sœurs, ce que je viens de vous dire, c’est ma profession de foi.
Voici Dieu en qui je crois !
Voici Jésus Christ à qui je fais confiance et que je crois bien présent dans votre vie !
Voici l’Église en laquelle je crois, l’Église où l’Esprit Saint est présent et il nous conduit !
« Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit. Ne cherchons pas la vaine gloire ; entre nous, pas de provocation, pas d’envie les uns à l’égard des autres. » (Ga 5,25-26)
Si nous voulons résoudre tous nos problèmes, si nous voulons trouver dans notre foi le rocher sur lequel nous pouvons nous appuyer, prenons à cœur cette vérité fondamentale :
Là où Jésus Christ occupe la première place, tout est à sa place.
Si Jésus Christ n’occupe pas la première place, plus rien n’est à sa place !
Amen.
Homélie du père Wojciech KOWALEWSKI omi