Un dimanche pluvieux à ne pas mettre un chien dehors ; des arbres glabres dont les dernières feuilles flétries s’obstinent à orner désespérément les branches nues ; un ciel bas et gris, qui, comme dit le poète, pèse comme un couvercle. Tout est réuni pour passer un après-midi de rangement, pour passer un coup de téléphone à un proche qu’on a trop longtemps reporté, pour revoir une énième fois le même DVD. Le temps de l’automne mélange un brin de nostalgie et de spleen, au léger goût acidulé. Cette langueur allie un été définitivement révolu et un hiver qui approche, un creux de la vague que la nature applique à l’homme.
Le cycle des saisons illustre bien aussi le cycle de nos humeurs. Nous rêverions sans doute être toujours en forme, toujours plein d’entrain, avec le curseur de notre tonus toujours au beau fixe. Je ne fais pas l’apologie de la tristesse et de la paresse que certains cultivent avec parfois un poil d’égocentrisme, mais défends le droit qu’a la nature sur l’homme. Je me défends de l’obligation du dynamisme continu, du postulat de la forme artificiellement exhibée, de la promotion médiatique d’un homme dont le tonus serait indépendant de sa condition naturelle. Il y a un enjeu spirituel très important : en acceptant ces périodes de reflux, nous nous distançons de notre perception de nous-mêmes. La légère langueur de l’automne, qui s’enrichit des odeurs de l’humus détrempé des jardins, n’est pas le signe de l’absence de l’Esprit Saint en nous, ou de l’insatisfaction du péché, c’est la respiration de l’âme. En acceptant les périodes de reflux, nous réapprenons que nous appartenons à la nature, et les vieux paysans qui sommeillent en nous redécouvrent les vertus d’une vision écologique de l’homme. Le corps et l’âme fonctionnent comme la terre en repos après les labours.
Les puissants de ce monde vont bientôt à Paris statuer sur l’état de notre planète durant la COP 21, je vous invite, vous qui comme moi, êtes certainement moins puissants qu’eux, à faire votre propre COP. Combien serions-nous libres si nous appliquions à nous-mêmes les paraboles des grains semés en terre du Christ, en acceptant ce temps de repos intérieur. L’Esprit Saint, qui est parfois un drôle de farceur, profite de ces temps de relâche intérieure pour nous rejoindre et pour susurrer à nos esprits les mots ineffables de Dieu.
P. Antoine Devienne
La respiration de l’âme