Jésus venait d’être crucifié : « Qu’il se sauve lui-même ! » ironisaient les chefs du peuple ; « Sauve-toi toi-même ! » raillaient les soldats ; « Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » l’injuriait un des malfaiteurs. Comme une incantation répétée, une tentation ultime, alors que la vie de Jésus est déjà livrée.
Mais quel salut Jésus pouvait-il alors désirer ? Préserver sa vie en ce monde ? Cela aurait signifié, selon ses propres paroles, la perdre. Rester sauf pour Jésus, cela équivalait à rester seul : Si le grain de blé tombé en terre ne meurt, il reste seul. Mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. (Jn 12,24) L’incarnation ne mène pas le Fils de Dieu seulement jusqu’à la terre, mais jusqu’en terre, afin de donner un fruit de vie éternelle pour tous : Jésus, nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de la mort qu’il a soufferte, afin que, par la grâce de Dieu, il ait goûté la mort pour tous. (Hébreux 2,9)
Le nom de Jésus – « Dieu sauve » – nous est révélé au début de l’Evangile : Tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. (Mt 1,21) Et c’est sur la croix que ce nom s’accomplit, dans cette ultime réponse de foi : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ! » Alors le salut retrouve sa juste orientation : Jésus n’est pas venu pour se sauver, mais pour nous sauver. Son salut n’est pas dans un avenir incertain, mais donné dès aujourd’hui : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Aujourd’hui s’achève l’année de la miséricorde. Les portes ouvertes partout dans le monde se referment une à une. Le salut se serait-il rétréci ? Bien au contraire : la miséricorde de Dieu a été rendue plus manifeste, un nouvel élan a été donné pour qu’elle soit davantage présente dans nos vies et puisse s’y déployer. C’est à chaque instant, en vivant de sa miséricorde, que nous nous approprions le nom de Jésus : face à l’humanité blessée, il ne s’est pas sauvé, il nous sauve.
Sauve-toi