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Jésus et la femme de Samarie
Après la Transfiguration de Jésus au Mont Thabor, voilà une autre transfiguration, celle de la femme Samaritaine. Cette belle rencontre de Jésus avec la femme de Samarie nous invite à nous
s’identifier à cette femme. Il n’est pas difficile de voir à quel point nous ressemblons à cette femme : elle a un passé marqué par le péché, elle est méprisée à cause de ses origines, elle a honte du
regard des autres, elle est jugée et condamnée par la société. C’est aussi notre histoire. Grâce à Jésus qui ne juge pas, notre transfiguration peut se produire.
Jésus est en route de la Judée vers la Galilée. Pour ce faire, il lui faut traverser la Samarie, un territoire ennemi. l’Évangile d’aujourd’hui est introduit par un verset intéressant et significatif : « Il lui fallait traverser la Samarie. » (Jn 4,4) Le mot grec utilisé ici δει (dei) signifie : besoin profond, nécessité, devoir. C’est l’origine du terme « déontologie ». Cela veut dire que cet arrêt de Jésus en Samarie faisait bien partie de son plan de salut. Ce n’était pas qu’un passage. Mais partout où Jésus se trouve, son séjour est marqué par des rencontres. Aujourd’hui, Jésus rencontre cette femme immorale, divorcée, vivant dans le concubinage.
Jésus veut nous rencontrer, nous aussi, dans notre « Samarie », là où nous semblons loin de lui. Elle est étonnante et très belle la rencontre de Jésus avec la femme de Samarie. Elle montre que Jésus peut ouvrir la porte du salut et la porte de la foi à chaque personne, même à celle qui est déjà jugée et condamnée par les hommes.
Découvrons d’abord la souffrance de cette femme. Elle vit dans une triple exclusion :
– D’abord, il y a le fait d’être une femme. Il était interdit à un homme de parler à une femme.
– Elle fait partie du peuple samaritain, donc ennemi des juifs.
– Elle se retrouve isolée par sa situation maritale ambigüe.
Dans cette rencontre auprès d’un puits nous pouvons distinguer trois étapes :
1. Jésus appelle la femme : « Donne-moi à boire »
2. Jésus l’interpelle : « Si tu savais le don de Dieu »
3. Jésus l’envoie porter la Bonne Nouvelle parmi les siens.
1. Jésus appelle la femme
Il est midi. Jésus fatigué s’assoit auprès d’un puits. Survient une femme Samaritaine. Pourquoi l’Évangile précise-t-il l’heure ? Dans un pays chaud, ce n’est pas l’heure d’aller puiser de l’eau ; la Samaritaine, mal vue dans son village, choisit cette heure précisément pour ne rencontrer personne. Cette femme évite donc ainsi les regards embarrassés et les jugements. La parole de la femme : « Comment! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine? » illustre que le plus terrible jugement est celui qui conduit au rejet de soi-même.
Alors, un dialogue inattendu commence entre cette femme païenne et Jésus. La première parole de Jésus est une demande : « Donne-moi à boire » (v.4). Jésus se fait pauvre. Il est dans un besoin vital. Et cette femme, à une vie brisée, compliquée, elle peut étancher la soif de Jésus. Jésus lui dit simplement :
« J’ai besoin de toi ».
L’attitude de Jésus aide la femme à retrouver sa dignité. Beaucoup de rencontres dans l’Évangile, beaucoup d’histoires d’hommes, beaucoup de nos histoires montrent que Dieu appelle les faibles et parfois méprisés aux yeux du monde. Il ne choisit pas des gens capables mais il rend capables ceux qu’il choisit.
Sait Paul, écrivant aux Corinthiens, illustre très bien ce regard de Jésus sur ceux qu’il appelle à devenir ses disciples :
« Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose. » (1Co 1,26-28)
2. Jésus interpelle la Samaritaine
Jésus passe de la demande au don : « Si tu savais le don de Dieu… ».
« Si tu connaissais la richesse de ton cœur… »
« Si tu savais comme Dieu te regarde… »
« Si tu savais accueillir le don de Dieu, son pardon, son amour… »
Sa situation matrimoniale fait d’elle une femme socialement exclue. Elle se sent « étrangère » dans son propre village. Elle a du mal à avouer son péché, à faire la vérité sur sa vie passée. Et c’est par peur d’être jugée. Alors Jésus l’aide à regarder cette vérité en face.
« Va, appelle ton mari et viens ici! » (v.16) Jésus met le doigt sur ce qui fait mal. Et voilà, pour la première fois elle peut parler de sa situation sans être jugée. Jésus la rejoint là où elle
est, dans ses difficultés et ses blessures, et il l’accueille telle qu’elle est. Il la sort de son isolement. Enfin, elle se sent écoutée, comprise et aimée. Jésus qui avait soif, fait découvrir à la femme sa soif d’amour.
Jésus ne nous réprimande pas. Il ne moralise pas. Jésus nous aide à faire la vérité sur notre vie. Jésus ne condamne pas la femme mais il dénonce le péché qui l’embrouille. Jésus lui montre ses
blessures mais aussi il révèle son désir d’amour. Jésus te dit aujourd’hui : « Tes petites misères, même grandes à tes yeux et aux yeux de la société, ne sont rien face à l’amour, amour dont tu es capable et amour que je te donne ».
Dieu n’attend pas que nous soyons des saints et des purs pour nous aimer. Jésus nous dit à tous qu’au-delà de nos petits désirs de la terre, au-delà de nos fragilités et de nos fautes, nous portons en nous un vrai trésor. (« Ce trésor, nous, les Apôtres, nous le portons en nous comme dans des poteries sans valeur ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire ne vient pas de nous, mais de Dieu. » 2Co 4,7).
Si nous savions seulement quel est le don que Dieu nous fait ; si nous découvrions le regard d’amour que Dieu pose sur nous ; si nous savions ce que nous sommes à ses yeux, notre vie deviendrait
complètement nouvelle.
3. Jésus envoie en mission
La rencontre avec Jésus transforme la vie de la Samaritaine. Elle laisse derrière sa cruche de la vie passée. Touchée par l’amour de Jésus, elle laisse sa cruche comme les apôtres ont laissé derrière eux leurs filets. C’est la conversion et le début d’une nouvelle vie.
La Samaritaine retourne à son village et invite les gens à rencontrer Jésus. Elle témoigne de sa rencontre. Son témoignage change ses compatriotes et ses relations avec eux. La femme Samaritaine
devient « missionnaire ». Son péché transfiguré, pardonné par l’amour de Jésus sert de tremplin pour conduire les gens à Jésus. Elle est sortie de chez elle en portant sa cruche (son humanité, sa fragilité). Maintenant, elle retourne chez elle (elle rejoint les autres) en portant Dieu et le témoignage de son amour.
Au fil de la rencontre l’image de Jésus évolue. La Samaritaine découvre petit à petit qui est celui qui lui a demandé à boire. L’usage des noms donnés à Jésus en témoigne. La Samaritaine commence par l’appeler « un Juif », donc une personne hostile aux samaritains. Puis, elle l’appelle « Seigneur ». Ensuite, elle voit en lui « un prophète », puis « le Christ », pour finir par voir en Jésus « le Sauveur du monde ».
Jésus vient à notre rencontre. Il nous demande de lui donner ce que nous pouvons : surtout notre pauvreté et notre fragilité.
Laissons-nous interpeller par son regard d’amour et de miséricorde. Laissons-nous envoyer vers les autres et portons le témoignage de notre vie transformée par Celui qui
nous aime tels que nous sommes.
L’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions. Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peutêtre quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs.
Bien fraternellement
Père Wojtek omi
Illustration: la samaritaine, Basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne
troisième billet de Carême