En 1999, en janvier, lors de ma première année de formation sacerdotale, à la maison Saint Augustin, j’ai effectué un temps de stage et de service à l’école des frères missionnaires de la charité à Paris. On connaît mieux la branche féminine que la branche masculine de cet ordre. Les sœurs sont en effet habillées en sari blanc strié de bleu comme l’était leur fondatrice, Mère Térésa. Avec eux, suivant un rythme de vie très structuré avec le lever à 5h00 du matin, j’alternais les temps de prière, d’accueil des SDF (quelle horrible manière de parler de personnes humaines en utilisant un sigle et des initiales), de maraudes et de visites en tout genre. J’avais conservé dans ce temps d’immersion une seule habitude qui me distinguait des frères : fumer 3 ou 4 cigarettes dans la journée entre le café à servir, la lessive à faire ou (eh oui !) la barbe d’un clochard à raser…
Un jour, un des amis des frères vint à mourir dans la rue, un jour qu’il était trop imbibé pour rejoindre la mission des frères. L’alcool l’avait trompé en lui faisant croire qu’il se réchauffait alors qu’il ne faisait qu’abaisser ses réflexes et ses résistances physiques au froid. Quelques temps après, les frères demandèrent par mon intermédiaire à l’un des formateurs de la Maison Saint Augustin de venir célébrer la messe pour ce pauvre « familier » de leur mission. C’était Mgr Claude Frickart, un évêque auxiliaire à la retraite, un homme à l’aise avec tout le monde, connu pour sa chaleur toute chrétienne. Les frères furent heureux de voir qu’il acceptait volontiers. Ils pensaient honorer la mémoire de cet ami « de la rue » en ayant un évêque pour célébrer la messe pour lui. Mgr Frickart fit dans leur petite chapelle cette association à la fois évidente et lumineuse : Jésus était le SDF le
plus connu de l’histoire, alors qu’il n’était encore qu’un nourrisson.
J’ai bien envie aujourd’hui de reprendre l’association de Mgr Frickart, en cette journée des migrants et des réfugiés. Je dirais volontiers que Jésus était le migrant le plus connu de l’histoire. Sans tomber dans l’angélisme et connaissant un peu les problèmes que posent les grandes migrations, j’aimerais néanmoins que nous puissions nous laisser inspirer par cette dimension de la vie de Notre Seigneur. Les réalités que nous vivons ne sont chrétiennes que si elles se laissent éclairer par l’Evangile. Cela tombe bien : nous sortons du temps de Noël, le temps de l’hospitalité que l’homme réserve à son Dieu, qui peut nous inspirer sur celui que nous réservons aux migrants.
P. Antoine DEVIENNE
Un vieux souvenir …