Dimanche 11 octobre 2015 – 28ème dimanche du temps ordinaire
Sg 7, 7-11 ; Ps 89(90) 12-13, 14-15, 16-17 ; He 4, 12-13 ; Mc 10, 17-30.
Frères et sœurs,
D’entrée de jeu, l’Apôtre Paul, faisant l’éloge de la Parole de Dieu, nous prévient « Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; … /… nous aurons à lui rendre des comptes. »
Et l’évangile de ce jour exprime bien cette radicalité de la parole de Dieu : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. »
Ce récit de Marc, que nous retrouvons aussi chez Matthieu et Luc, celui du « jeune homme riche » – selon les évangélistes, tour à tour, homme, jeune homme ou notable – s’adresse à nous tous. Que devons-nous faire « pour avoir la vie éternelle en héritage » ? Que devons-nous faire pour vivre d’une vie bonne aux yeux de Dieu, mais aussi aux yeux des hommes ?
Ce texte a été central dans mon cheminement diaconal, dans mes questionnements, dans mes réponses ; et faire ma première homélie, ici dans ma paroisse, à Sainte-Marguerite, sur ce récit est un signe et un encouragement pour le début de mon ministère diaconal.
Comment répondre à cette radicalité de l’appel du Christ « Va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres ; Puis viens, suis-moi. » Un appel exigeant de Jésus et une réponse des premiers apôtres, Simon-Pierre et son frère André : « Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. » La réponse aussi de Jacques et son frère Jean à l’appel de Jésus : « Aussitôt, laissant dans la barque leur père Zébédée avec ses ouvriers, ils partirent à sa suite. » (Mc 1, 16-20)
Ou encore Matthieu, mon collègue de l’administration des finances : « ‘‘Suis-moi.’’ L’homme se leva et le suivit. » (Mt 9, 9) Mais aussi ceux qui ceux sont détournés de Jésus, qui « pour enterrer son père », qui pour « faire ses adieux aux gens de sa maison. » (Lc 9, 59-62)
Suivre les commandements, observer la loi… mais cela n’est pas suffisant… Ce récit inspire toute la morale chrétienne, et saint Jean-Paul II l’a longuement médité au début de son encyclique Veritatis Splendor en 1993.
Mais faut-il tout abandonner, tout vendre, pour suivre le Christ… Où est-ce possible en adoptant une vie plus sobre, une vie d’aisance frugale, en prenant soin des autres… ? En prenant un chemin personnel de conversion, un chemin de fraternité, toujours à parfaire… ?
Madeleine Delbrêl, témoin de l’Évangile avec ses compagnes à Ivry-sur-Seine, peut nous aider à y voir plus clair. Dans Missionnaires sans bateaux, écrit en 1943, elle souligne dans un beau texte Les deux appels du Christ, les deux réponses possibles pour le suivre : tout quitter et le suivre, ou bien rester là où on est pour que le Christ s’incarne dans toutes les réalités de nos vies, pour « être missionnaire dans le pays social où l’on est né. »
Mais le texte de Marc recèle une pépite, un verset que l’on ne trouve ni chez Matthieu ni chez Luc : « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. »
La force du regard, la force d’un amour sans conditions, un chemin de liberté ouvert à l’homme riche de ce récit, un chemin de liberté ouvert à chacun de nous.
Un chemin de liberté qui ouvre la possibilité d’une réponse tout de suite ou plus tard, mais aussi la possibilité du refus. L’homme « devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. »
Nous ne savons pas ce que sera sa réponse plus tard, peut-être des années plus tard… mais nous pouvons être sûrs d’une chose : l’amour que Jésus exprime là lui est acquis et l’accompagnera toujours.
Ce chemin de liberté, c’est le chemin de conversion que Dieu nous propose aujourd’hui. Un chemin pour accueillir nos avancées et nos renoncements, nos joies et nos peines, mais aussi nos égoïsmes, nos colères et nos indifférences… Un chemin « pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait. » (Rm 12, 2)
Un chemin où nous nous savons aimés de Dieu, dès l’origine ; un chemin où nous pouvons aimer Dieu, « car c’est lui qui nous a aimé » (1 Jn 4, 10) Un chemin de conversion qui devient possible car « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »
Un chemin de vie, un chemin de foi ; un chemin d’amour de Dieu et des autres…
Un chemin que nous faisons pas à pas, à notre rythme, avec des arrêts et des détours…
Un chemin de « pauvres de cœur »…
« Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux ! » (Mt 5, 3)
Un chemin qui aura sa récompense au « centuple » auprès de Dieu, « une richesse incalculable » comme le souligne le livre de la Sagesse.
Amen.
Homélie de François Fayol